Période d’expérimentation : en cours de conception depuis septembre 2018
De nombreux enseignements de géographie (mais aussi en AES, sociologie...) sont basés sur des approches multi-échelles et multi-acteurs. Cependant, il est très difficile de faire prendre conscience de cette difficulté aux étudiants au début d’un cycle de cours, et souvent, ils en prennent conscience à la fin, quand il est trop tard pour revenir sur des points d’achoppement ou d’incompréhension. Ce constat a donc fait émerger de nombreuses discussions afin de trouver des moyens de faire comprendre aux étudiants cette difficulté. Afin de remédier à cette situation, de nombreux tests ont été effectués ces dernières années au sein de l’enseignement sur la protection des milieux/espaces protégés (licence 3 de géographie), cours transversal et réunissant l’ensemble des difficultés susmentionnées. Des expériences ont été menées avec la mise en place d’un jeu de rôle (simple entre 2011 et 2013, scénarisé entre 2013 et 2017).
S’il a été constaté de manière in situ que le recours à des jeux de rôle répond à un certain nombre de questions (rendre actif l’étudiant dans et en dehors du cours, apprentissage de la prise de décisions en situation, animation de réunions, apprentissage et retour d’expérience ensemble, recherche individuelle et collective, analyse vidéo, évaluation sur le contenu et sur l’attitude (posture, réponse aux questions, prise en compte des avis d’autrui...), il reste cependant incomplet. Ainsi est née l’idée de construire un jeu de plateau avec l’aide des étudiants afin de s’en servir comme jeu d’introduction à un cours de géographie, dans le cas présent, sur la protection des milieux pour structurer les questions ensuite abordées durant l’année. Le thème de ce jeu de plateau est celui de la gestion et de la protection environnementale des fronts de déforestation tropicaux.
Sur un plan pédagogique, le projet faisait le pari de la classe inversée. Différentes formes de classes inversées ont déjà été testées au sein du département de géographie, notamment le recours au cours vidéo à regarder chez soi avant le TD pratique ou les compilations d’articles à lire. Cependant, ces expériences n’ont jamais vraiment donné satisfaction, le public ayant réalisé le travail étant peu nombreux. Le jeu sert à développer une sorte d’exercice d’application et de découverte de la réalité d’un terrain d’étude sur une période de 50 ans (durée de simulation du jeu de plateau). Ainsi, ce n’est pas l’enseignant qui va apporter les connaissances de base, mais ce sont les étudiants qui vont interroger un terrain à partir d’une partie. Ensuite, l’enseignant avec les étudiants vont déconstruire les parties afin d’en expliciter les tenants en faisant référence au cadre conceptuel qui a structuré chacune des actions.
La mise en œuvre devait s’articuler autour de trois temps principaux :
- Une phase de montage : un groupe d'étudiants volontaire devait être amené à réfléchir avec quelques enseignants au mode de fonctionnement général du jeu de plateau. Les enseignants participants se verraient confier des tâches préliminaires de rédaction (événements, cartes joueurs, fiches de jeux) avec l’aide des étudiants.
- Une phase de test et de réalisation : toujours avec ce groupe d’étudiants, des tests de parties devaient être réalisés afin d’affiner les mécanismes de jeu et ajuster le fonctionnement des cartes actions.
- Enfin, la mise en production.
Le projet a débuté en septembre 2018 et se poursuit au printemps 2021.
Le processus d’élaboration des règles a duré 6 mois (octobre 2018 - mars/avril 2019). L’intégration des étudiants testeurs (L2 et L3) auprès des enseignants a nécessité une phase d’acculturation d’une durée d’1 mois et demi durant laquelle enseignants et étudiants se sont rencontrés une à deux fois par semaine. Cette période a servi à échanger et tester d’autres jeux de plateaux (Andor, Carcassonne - Homme de Neandertal, …) pour comprendre comment créer des règles. Une seconde période de deux semaines a servi à réfléchir aux « héros » du jeu, aux personnages non joueurs (PNJ), ainsi qu’aux aléas qui seront imposés aux joueurs.
La phase de test du jeu a quant à elle débuté en mai/juin 2019 et s’est poursuivie en septembre/octobre.
Le blocage de l’université Rennes 2 en novembre 2019 puis la situation sanitaire en mars 2020, ont interrompu la poursuite du projet, mais l’ossature était prête. Entre le printemps 2020 et le printemps 2021, le temps a été consacré au packaging. Dans une perspective d’essaimage du projet notamment dans l’enseignement primaire et secondaire, il est important que le jeu soit attrayant. L’enseignant porteur du projet a ainsi réalisé une cinquantaine de dessins destinés à illustrer le jeu (plateau, cartes, etc.). Le livret d’explication des règles a été rédigé.
L’objectif est de déployer le jeu en 2022. Chaque partie fera l’objet d’un enregistrement afin de s’en servir de base pour construire les séances de cours suivantes. Ensuite, l’enseignant avec les étudiants vont déconstruire les parties afin d’en expliciter les tenants en faisant référence au cadre conceptuel qui a structuré chacune des actions.
Dans la perspective de l’essaimage, un livret sur l’intérêt pédagogique du jeu ainsi que sur les éléments historiques, politiques, conceptuels, devra être rédigé afin de favoriser l’utilisation du jeu par des enseignants tiers.
La création d’une version numérique a été envisagée, mais abandonnée en considérant que l’utilisation d’un jeu de plateau en distanciel créé une distanciation ou l’interaction n’est plus qu’une contingence. Autour d’une table les discussions autour des stratégies à mettre en œuvre sont bien plus riches.
L’intégration d’éléments de réalité augmentée a également été envisagée puis mise de côté, considérant que cet ajout aurait en définitive peu d’intérêt sur le plan pédagogique, en plus de nécessiter l’utilisation d’un outil complémentaire pouvant limiter l’essaimage attendu dans l’enseignement primaire et secondaire. A la place, un tableur va être constitué sur la base d’un petit modèle mathématique sur les conséquences de la déforestation sur le milieu.
Outre les étudiants testeurs, des enseignants issus de différentes disciplines des SHS sont intervenus en offrant un « regard extérieur » faisant le contrepoint de celui de l’enseignant porteur du projet.
L’intérêt manifesté par les enseignants de l’UFR est toutefois variable, si certains s’y sont beaucoup intéressés et envisagent de mettre en œuvre des jeux de plateau similaires dans leurs propres spécialités, d’autres n’estiment pas l’apport du jeu sérieux comme élément pédagogique intéressant.
Le projet a bénéficié des échanges réguliers entre le porteur du projet et un enseignant de L'École polytechnique fédérale de Zurich qui dispose d’une grande expérience dans le développement et l’utilisation des jeux avec ses étudiants.
Le projet Or Vert constitue l’aboutissement d’une réflexion de l’enseignant porteur, qui repose sur la pratique de l’utilisation du jeu dans un cadre pédagogique depuis 2011, et d’une pratique personnelle du jeu de plateau. L’utilisation du jeu permet une inversion des connaissances qui répond à la logique de la classe inversée tout en tenant compte d’une limite constituée par la grande hétérogénéité du public étudiant. La démarche ludique n’est pas que ludique, elle permet de développer des soft skills chez les étudiants, qui apprennent des concepts, vivent un processus et hybrident les concepts en constatant qu’il y a plusieurs points de vue. Ils développent ainsi une approche critique.
- Leviers : quels ont été les leviers pour conduire le projet ?
- L’émulation entre les enseignants associés au projet.
- L’émulation avec les étudiants, qui a amené l’enseignant porteur du projet à penser la déconstruction du cours avec des étudiants de niveaux différents, en relevant ce qu’ils retiennent ou non en fonction de la méthode utilisée.
- Freins : y a-t-il eu des freins au bon déroulement du projet ?
- La difficulté à évaluer le temps nécessaire à la réalisation du projet
- Le manque d’heures disponibles pour le projet, qui implique la mobilisation d’un temps personnel important qui se fait au détriment de la recherche
- Le trop faible soutien de l’établissement en termes de moyens apportés
- Le blocage de l’université en 2019 puis la situation sanitaire en 2020/2021
- La difficulté à croiser les agendas des étudiants et enseignants.
Si le jeu fonctionne correctement après son déploiement effectif, il est envisagé de réaliser des déclinaisons vers d’autres problématiques connexes, avec différents scénarios, notamment en master.
Il est également envisagé d’essaimer le jeu vers d’autres disciplines (par exemple, en histoire), et vers l’enseignement primaire et secondaire.